N°10

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Le personnage principal est acteur et il a mal à sa conscience. Il a une liaison avec une copine mariée et une fille qui a un souci pulmonaire. Ça commence comme un vaudeville dépressif, se poursuit à la manière d'une enquête de mœurs et ça bascule dans… Un bad trip surréaliste ? 

« Je ne suis pas un numéro » pourrait dire Tom Dewispelaere, l’acteur chiffonné qui joue le rôle de Gunter, enfant recueilli à la manière de Kaspar Hauser, sans qu’on sache d’où il vient.  

Mais le numéro, c’est celui du film, intitulé mystérieusement « N°10 ». Pas si mystérieusement que ça d’ailleurs, puisqu’il s’agit du dixième du cinéaste Alex van Warmerdam, artiste excentrique qui a des visions à la David Lynch. C’est bizarre, drôle, perché, ça nous vient du nord. Et ne ressemble à rien.  

La pulsion surréaliste longtemps contenue dans un art plutôt psychologique et réaliste a fait son coming out depuis le maître Bunuel. Les Coen, Kaurismaki, Jonze et Lynch ont par la suite donné aux fantasmes et à la cinglerie des lettres de noblesse. Van Warmerdam quand il cite le Caravage l’envoie en l’air. Les filles souffrent de singularité thoracique, le souffleur cloue l’acteur à la scène. Se moquant quelque peu du théâtre poseur, des amours bourgeoises et des porteurs de soutane, le cinéaste laisse basculer son œuvre dans un improbable cauchemar. 

L’homme vient d’une région où l’expressionnisme est aussi un art de voir et de représenter. Il est né il y a 71 ans au Pays-Bas à Haarlem, une ville de peintres.  Une région qui a accouché de Jérôme Bosch et qui n’est pas si loin d’Anvers et Bruxelles où sévirent les Brueghel. On pourrait encore citer Paul Delvaux et René Magritte. Le cinéaste tâte d’ailleurs du pinceau autant qu’il écrit et filme.  

A sa manière ironique aussi de représenter les figures de la religion, de faire du théâtre faussement filmé et de convoquer les Aliens, l’homme fait du cinéma dans le cinéma, en raillant aussi les situations convenues, les clichés et tous les avatars des films de son temps. L’homme s’était fait connaitre avec son deuxième film,  « Les habitants » (1992), regard sans concession sur les résidents d’une ville contemporaine. On citera encore « Grimm » en 2003, variation baroque sur le conte de fée. On conclura que, ça n’est pas étonnant, l’artiste est son propre scénariste et qu’il est un auteur complet, complexe et décomplexé. 

Nr.10 est un véritable OVNI, assez difficile à décrire et à noter. Tout commence sur une ambiance tranches de vie avec beaucoup d'humour noir et un rythme très tranquille. En fond, il y a une certaine tension qui monte autour du personnage principal, qui va progressivement ...