THE LAST SHIFT

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Depuis les années 80, Richard Jenkins est un visage familier dans des seconds rôles plus ou moins développés. Avec THE LAST SHIFT, il partage l’affiche avec un jeune acteur doué et donne une de ses compositions les plus fortes dans le rôle de Stanley, un employé de fast food  qui s’apprête à prendre sa retraite après 38 années dans le même emploi.

Avant de le laisser partir, sa patronne lui demande de former son remplaçant, Jevon, un jeune en liberté conditionnelle ,  obligé de mettre de côté son ambition d’écrire, pour justifier le plus vite possible d’un salaire. Malgré leurs différences, les deux s’entendent, et pourraient même sympathiser, mais la réalité les rattrape.

Face à la résignation du vieux Stanley, le jeune Jevon oppose une lucidité revigorante même si elle est sans illusions. Tout en retenue et en évitant les effets dramatiques, le film dresse un constat pénétrant et grave d’une Amérique d’autant plus divisée qu’elle est sans ressources.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver ABOUT SCHMIDT (Au moment de prendre sa retraite, un homme fait le bilan de sa vie. Le réalisateur Alexander Payne est producteur exécutif de The last shift.) ou encore ROGER ET MOI (Bien que documentaire, le film de Michael Moore évoque les difficultés de garder son emploi dans l'état du Michigan et en particulier dans la ville de Flint, citée dans The last shift.).

Acteur de composition très apprécié pour sa constance et son professionnalisme, Richard Jenkins a un physique d’éternel pré-retraité qui le prédestine aux rôles de comptable ou de pères de famille, mais il est aussi à l’aise dans la comédie que dans le drame, et beaucoup de cinéastes comme les frères Coen ou Guillermo del Toro font appel à lui régulièrement. En 2020, il s’est fait remarquer au festival de Sundance avec deux films en compétition KAJILLIONNAIRE et THE LAST SHIFT. Dans celui-ci, il partage l’affiche avec le jeune acteur Shane Paul McGhie, et leur rencontre symbolise la fracture de l’Amérique actuelle. 

Ce n’est pas seulement une génération  face à une autre, ni un Blanc face à un Noir, c’est simplement le résultat d’un système américain qui laisse ses citoyens les plus fragiles se débrouiller tout seuls. Stanley, après 38 ans de travail payé avec un salaire qui ne suit même pas l’inflation, ne s’est jamais vraiment rendu compte qu’il se faisait exploiter. Son jeune remplaçant ne se prive pas de le lui faire remarquer, lui qui a l’ambition, et probablement  les capacités de devenir écrivain. Le problème, c’est qu’il est déjà plombé par son casier judiciaire, et que le moindre écart risque de le ramener en prison, ce qui n’est pas le cas de Stanley.

THE LAST SHIFT rappelle en plus intime BLUE COLLAR, le premier long métrage de Paul Schrader, qui montrait également comment, malgré leurs vélléités de s’organiser, les classes américaines défavorisées retombent presque inévitablement dans la logique de chacun pour soi. Le réalisateur Nick Cohn est né à Ann Arbor, la ville natale d’Iggy Pop. Il a commencé sa carrière en tant que scénariste à Los Angeles avant de se faire connaître avec ses documentaires. Son premier long métrage MEDORA, co-produit par Steve Buscemi et Stanley Tucci, a obtenu un Emmy award et a été diffusé sur la chaîne PBS, spécialisée dans les documentaires indépendants. Sur THE LAST SHIFT, Nick Cohn a reçu le soutien d’ Alexander Payne en qualité de producteur exécutif.

Une tranche de vie de quelques jours avec deux personnages très attachants. C'est superbement bien joué et terriblement mélancolique. On se laisse porter par la petite musique de ce quotidien triste. Car l'histoire est simple mais pas simpliste. Ce qui en fait un film ...