VENEZ VOIR

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Susana, Guillermo, Elena et Daniel sont quatre amis, deux couples et un même groupe à priori soudé. Ils assistent ensemble à un concert piano-voix délicieux. Mais ils se voient rarement car Elena et Guillermo vivent à plus d’une heure de Madrid, et que la crise du Covid-19 les a isolés. Alors, pour Elena et Guillermo, pourquoi ne pas faire venir leurs camarades ? Venez voir, le titre du film, est une invitation lancée aux amis mais aussi aux spectateurs et spectatrices : venez voir cette banlieue madrilène, venez goûter à un moment fugace et ensoleillé, venez jouer au ping-pong et disserter sur la littérature autour d’un bon verre de vin.   

Surtout, venez retrouver vos proches. Car Jonás Trueba (fils de Fernando Trueba, réalisateur de La Fille de tes rêves avec Penelope Cruz et Le Rêve du singe fou) raconte l’amitié et l’amertume post-covid après avoir perdu deux amis pendant la pandémie. Il explique avoir voulu raconter cette gêne au moment des retrouvailles, comme si un mini-fossé pouvait se créer. Après les confinements, il nous a fallu à tous du temps pour renouer avec le lien social, la fête, l'innocence. Nous étions soit endeuillés, soit fourbus par plusieurs mois de restrictions. Venez voir porte les stigmates de cette époque : masques sur le visage et plus subtilement absence totale d’autres personnages que ces quatre beaux trentenaires. Le film leur est totalement dédié.  

Chez Trueba : désaccord ne signifie pas conflit. Bien sûr, les choix de vie divergent, leurs approches peuvent varier sur la parentalité ou la vie en banlieue. Pourtant, en tant que groupe d’amis, ils font corps, ils s’apprécient et se languissent de renouer avec la chaleur humaine (et la chaleur du soleil printanier). Un vrai film de bien-être.  Dans le même genre, vous pouvez découvrir La Reconquista, autre film du cinéaste qui racontait déjà les retrouvailles de deux trentenaires : Manuela et Olmo.  

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE RAYON VERT (Le film de Rohmer raconte une même manière de rompre la solitude et l'isolement.) ou encore MADRES PARALELAS (Un autre film récent (ici d'Almodovar) qui se passe à Madrid et sa banlieue.).

Venez voir dure à peine plus d’une heure, à l’opposé total du précédent film de Jonás Trueba, Qui à part nous, qui durait 3h30 ! Opposé aussi car ce dernier film narrait les aventures de cinq adolescents alors que le cinéaste parle plus souvent de trentenaires. Pourtant, Trueba y développe au moins deux motifs communs. D’abord, seuls les acteurs principaux existent. Les foules, les passants, les figurants sont relégués hors-champs ou dans le flou. Trueba y révèle une forme d’intimité à peine rompue par des artifices de cinéma (dont les fameuses images en super 8 à la fin de Venez Voir). Par ailleurs, ces films se passent à Madrid ou dans ses environs. Le cinéaste connaît les lieux, sait les filmer sans clichés.  

Cette sensation était encore décuplée dans Eva en Août, film ayant réellement fait découvrir le cinéaste en France, puisque l’héroïne du titre restait à Madrid pendant le mois le plus chaud de l’année quand tout le monde prenait la poudre d’escampette. S’il n’idéalisait pas sa ville, Trueba lui redonnait un charme lié à la langueur, à l’abandon de soi, à une sorte de bohème agréable. En cela, il renouait avec le merveilleux Le Rayon Vert d'Éric Rohmer qui lui aussi suivait son héroïne dans sa solitude estivale.   

Eva en Août, Venez voir, La Reconquista, autant de films avec celle que l’on pourrait qualifier de muse mais qui est bien plus que ça : Itsaso Arana. Car si elle est à l’affiche de ces trois films (et on sent que Trueba est fasciné par elle tant les gros plans sur son visage racontent mille histoires), elle est aussi co-scénariste d’Eva en Août. L’histoire d’Eva, c’était la sienne. L’actrice et réalisatrice avait voulu y raconter de façon quasi documentaire cet épisode de sa vie. Et Trueba, en parfait héraut des bribes de vie naturalistes, lui avait donné son écrin idéal.  

Court film d'à peine 70 minutes ayant pour sujet le retour de citadins à la campagne, Venez Voir étonne par certaines de ses scènes, à commencer par son introduction où le réalisateur Jonas Trueba nous propose durant dix minutes de simplement écouter un pianiste jouer ...

Trueba semble être le cinéaste des trentenaires (enfin je dis ça alors que son film précédant parlait d'ados), mais disons qu'avec La Reconquista qui parlait de trentenaires qui retrouvaient leur premier amour, Eva en Août avec le désir d'enfant d'une trentenaire ...

Je ne connaissais pas, jusque-là, le cinéma de Jonás Trueba, et Venez voir est une belle découverte, c'est un film qui, avant tout, parle de cinéma. Si on me demandait de montrer ce qui fait, pour moi, la spécifité du cinéma, je pourrais montrer les 5 premières minutes ...