GOLDA MARIA

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Fin octobre 1994, Patrick Sobelman décide de filmer sa grand mère Golda Maria Tondovska avec son caméscope, trois jours durant. Il s’agit juste pour lui de garder une trace de son image et de sa voix pour ses jeunes enfants. Il n’imagine pas à l’époque que ces enregistrements deviendront des années plus tard un documentaire de cinéma.

Le témoignage livré par cette grand-mère de 84 ans, dépasse en effet le film de famille. Née en 1910 dans un village de Pologne, Golda Maria Tondovska, s’installe avec ses parents en Allemagne où elle passe une enfance et une jeunesse heureuses. Jusqu’à l’arrivée des nazis. La violence antisémite la pousse à s’exiler à Paris. Mariée et mère de famille, elle sera ensuite déportée à Auschwitz.

Patrick Sobelman n’a pas réalisé de films avant Golda Maria. Mais il connaît bien le cinéma puisqu’il est le producteur notamment de L’Effet aquatique et des Jeunes  amants. Quand s’est imposée à lui l’idée de tirer un long métrage des dix heures de rushes qu’il avait soigneusement conservées, il a demandé à son fils Hugo, réalisateur de Soul Kids, de cosigner avec lui ce documentaire. Une belle chaîne de transmission entre générations.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver SOBIBOR, 14 OCTOBRE 1943, 16 HEURES (Face à la caméra de Claude Lanzmann, un ancien déporté de Sobibor relate la révolte qui eut lieu dans ce camp d'extermination.) ou encore LA PETITE PRAIRIE AUX BOULEAUX (Une femme revient dans le camp de Birkenau où elle a été internée près de soixante ans auparavant).

Revenue des camps de la mort, Golda Maria n’a pas raconté à sa famille l’enfer qu’elle avait vécu. « On ne nous aurait pas cru. On ne voulait pas nous-mêmes y croire ». Patrick Sobelman précise que ce sujet n’était pas tabou dans la famille mais pas vraiment creusé. Par pudeur. Cependant si à 38 ans il propose à sa grand mère de la filmer c’est parce qu’il est obsédé par le besoin de comprendre. Il sait que le médaillon à son cou contient la photo de son fils Robert, mort dans les camps à 3 ans mais il a besoin d’en savoir plus. Il aimerait qu’elle lui explique « comment en 1945, en revenant d’Auschwitz où elle avait perdu un fils, sa belle-mère et d’autres membres de la famille, elle avait pu continuer à vivre, continuer à être la mère puis la grand-mère qu’elle a été ».

Une image bien précise a convaincu Patrick et Hugo Sobelman qu’il y avait un documentaire à faire à partir des rushes qu’ils visionnaient sur la table de montage. Ce plan a pourtant été obtenu dans des conditions particulières : alors qu’il enregistre les propos de Golda Maria, Patrick Sobelman s’aperçoit à un moment que la batterie de l’appareil est presque vide. « Par un réflexe qui n’a a priori aucun sens, je sors le caméscope du trépied et je m’approche d’elle, raconte le réalisateur. Comme si ce geste allait retarder la fin de la batterie ! Golda Maria fixe alors la caméra en me regardant derrière l’œilleton. C’est son seul regard à la caméra, durant ces trois jours, qui plus est en gros plan. Ce sera l’ultime plan du film ».

L’idée de conclure le film sur des images des enfants, des descendants de Maria et de Pierre, son mari, revient à Hugo Sobelman. Ce choix rejoint la phrase de son arrière grand-mère : « Il n’y a pas de vie s’il n’y a pas l’amour des enfants. » Le jeune réalisateur confie : « Sans Maria, toute cette descendance qui a participé au film n’existerait pas. C’était une manière de rendre hommage à son état d’esprit et de terminer le film par la vie, parce que c’est un film de vie et non pas un film de mort. C’est essentiel dans son discours. »