LA BÊTE DANS LA JUNGLE

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Pour son cinquième long métrage, le réalisateur autrichien Patric Chiha a adapté pour l’écran le roman d’Henry James qui raconte le parcours d’un homme persuadé qu’un évènement exceptionnel est sur le point de lui arriver. Il se tient donc prêt à cette éventualité.  

Il s’agit donc d’un récit sur l’attente, et Chiha a eu l’idée de le transposer dans une discothèque fréquentée par son héros John, tandis qu’une fille, May, est intriguée par ce garçon mystérieux et passif, et finit par s’attacher à lui. Tous les samedis, ils se retrouveront au même endroit pendant près d’un quart de siècle.  

 Enrichie par une BO qui retrace fidèlement l’évolution de la musique de danse, du disco à la techno, l’ambiance de boîte de nuit produit un effet de transe hypnotique. Mais la substance du récit est ramenée à une dimension humaine grâce à l’interprétation inspirée des principaux acteurs Tom Mercier et Anaïs Demoustiers, tandis que Béatrice Dalle incarne une physionomiste malicieuse.  

 
Dans le même genre vous pouvez trouver LE DÉSERT DES TARTARES (Même situation où des personnages passent leur temps à attendre quelque chose qui n'arrive jamais.) ou encore DISCO BOY (Parce que le personnage principal ne se sent à l'aide que dans la boîte de nuit où il rencontre la fille de ses rêves.).

En lisant le livre d’Henry James sur un couple qui attend un évènement improbable, Patric Chiha a été frappé par sa dimension mythologique. Il y a vu un raccourci de la condition humaine, chaque être étant tiraillé entre le présent et le rêve, la réalité et le phantasme. L’idée de transposer l’action dans le cadre d’une boîte de nuit était l’occasion pour Chiha de faire d’une pierre deux coups. Outre l’histoire de quelqu’un qui passe à côté de sa vie, le film peut aussi se voir comme un documentaire sur une discothèque fictive, qui de 1979 à 2004, suit les évolutions des modes musicales tout en maintenant ses clients dans un éternel présent.  Pour le cinéaste, « La boite de nuit est à la fois l’espace euphorique de l’éternelle jeunesse, et l’espace mélancolique du temps infini parce qu’en dehors du réel, du quotidien. C’est un théâtre où l’on rêve la vie plus qu’on ne la vit. C’était donc l’espace idéal pour mettre en scène l’histoire de May et de John qui sont enfermés dans leur quête de l’absolu." 

Pour diriger Tom Mercier, qui joue un personnage essentiellement passif, Patric Chiha a développé l’idée qu’il était comme un pantin, pas tout-à-fait solide. Partant de là, ils ont longuement réfléchi ensemble sur la gestuelle plutôt que sur des éléments psychologiques ou narratifs qui de toute façon étaient absents. C’est dans cette optique que l’acteur a travaillé la façon de se tenir, de s’asseoir, de s’affaler.  

Par contraste, Anaïs Demoustier joue un personnage expressif et exalté. C’est pourquoi Chiha lui a dit de ne pas avoir peur de surjouer, ce qui raccorde avec l’ambiance artificielle de boîte de nuit où tout, de la musique aux émotions, est amplifié.  

Enfin, Patric Chiha s’est souvenu qu’il avait donné le rôle principal de son premier film DOMAINE à Béatrice Dalle en 2010. Cette fois, il lui a écrit sur mesure le rôle de la physionomiste, que l’actrice s’est approprié avec conviction. 

Si Fassbinder et Visconti se retrouvaient au Berghain à Berlin, ça pourrait donner cette Bête dans la Jungle. Cette belle et ambitieuse proposition scrute le temps défilant au rythme des beats qui secouent les corps dans une boîte de nuit. ...

La danse inexorablement. La danse. La mort. L’angoisse de John. L’adhésion de May inexorablement. Le film est aussi fascinant que la proposition de John : attendre la bête dans la jungle. Les acteurs sont excellents pour cette partition. La musique est aussi omniprésente. ...

Qu'importe l'arrivée si le chemin parcouru a été beau. La Bête dans la Jungle est un film sur l'existence, qui nous somme, comme une petite voix dans la tête, de ne pas passer à côté de notre vie entière. Par ses dialogues durassiens, le jeu subtil des acteurs, ...