TÁR

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Mais qui est Lydia Tàr ?  Le film que Todd Field consacre à cette femme chef d'orchestre ne cesse de tendre des pièges. En apparence Tàr a tout d'un biopic, jusqu'à semer d'entrée le trouble autour de l'existence réelle de cette femme, introduite par une séquence d'interview plus vraie que nature, menée par un véritable journaliste, auteur de nombreuses biographies, dans son propre rôle. Ce ne sera pas le seul doute initié par Tàr : la notion de vérité, et ses limites, est le centre de son maelström. 

La master class qui ouvre Tàr n'est qu'une poupée russe enfermant celle de cinéma qu'est la mise en scène de Field, qui renverse allègrement les codes, d'un générique de fin placé... en début de film au quasi-tabou de suivre un personnage aux abords très antipathique. Et plus encore en imposant une narration dans un premier temps labyrinthique, sans prendre la main du spectateur. Son seul repère sera Cate Blanchett, impériale dans la peau d'une femme qui a conquis le pouvoir mais sera bientôt consumé par lui. 

Remarquable étude de caractère comme des phénomènes sociaux (du plafond de verre à la cancel culture) actuels, Tàr est d'une exceptionnelle densité, thématique comme formelle, refusant les facilités d'un propos prémâché mais surtout affirmant que le cinéma doit et peut s'emparer de ces questions avec intelligence. 

 
Dans le même genre vous pouvez trouver INFIDÈLEMENT VOTRE (Une comédie policière sur un chef d'orchestre convaincu que sa femme le trompe...) ou encore ON MURMURE DANS LA VILLE (Un autre film sur un chef d'orchestre devant faire face à une rumeur menaçant sa carrière).

Todd Field est quelque part aussi énigmatique que l'est Lydia Tàr : acteur capable d'apparaitre la même année, 1999, chez Kubrick (Eyes wide shut) et Jan de Bont (Hantise) mais aussi d'arrêter volontairement cette carrière en 2005. Réalisateur de seulement trois films (In the bedroom, Little children et Tàr) aussi remarqués et acclamés que distants – quinze ans séparent les deux derniers... Entre temps, Field s'est dédié à la réalisation, plus discrète de centaines de spots publicitaires, lui ayant garanti un anonymat public. 

Tàr est né de la double envie de Field de créer totalement un personnage - ses deux films précédents sont des adaptations de romans - et de tourner avec Cate Blanchett, qu'il a rencontré en 2010, pour un projet qui n'a pas abouti. Le déclic se fera dix ans plus tard quand les producteurs Peter Kujawski et Jason Cassidy l'approchent pour lui proposer un film sur un chef d'orchestre. L'ébauche de scénario ne le convainquant pas, il leur propose de le réécrire. Plus qu'accepter Kujawski et Cassidy lui laissent totale carte blanche. Field ne gardera de l'idée originale que le métier de chef d'orchestre, symbole parfait à ses yeux des rapports de pouvoir. 

Autre élément aussi prépondérant que déterminant dans la genèse de Tàr : le confinement, en octobre 2020 dû au COVID, mis en place en Allemagne alors que l'équipe du film s'apprêtait à y tourner, Field tenant à filmer dans l'atmosphère automnale berlinoise. Reporté d'un an, Tàr verra son scénario modifié par Field  notamment dans l'idée que Lydia soit dépassée par son univers professionnel, jusqu'à gérer sa vie privée, de manière démiurge, comme elle dirige les orchestres, avant que ce comportement rigide, parfois cruel se retourne contre elle. Si le film fut couvert à sa sortie de prix, Field a depuis annoncé dans de nombreuses interviews que, bien que très heureux du résultat, sa conception avait été éprouvante au point que ce soit probablement sa dernière réalisation. 

L’œuvre d’art a cette fascinante singularité de pouvoir briller par son dysfonctionnement : lorsque l’amateur décide d’y chercher davantage que du divertissement, il accepte de prendre en compte ses résistances, et de voir dans les aspérités des choix qui pourront ...

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