LA FIN DU JOUR (VERSION RESTAURÉE)

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"Oublier les films de Duvivier, c'est un crime", a déclaré un jour le grand critique Louis Skorecki. Et il a raison ! Enterré par les cinéastes de la Nouvelle vague, Julien Duvivier a été catalogué comme un réalisateur "qualité française". Infamie suprême !

Pourtant, Duvivier a réalisé une série de grands films, noirs, pessimistes, voire désespérés. Des œuvres aussi importantes que Panique, d’après Les fiançailles Mr Hire de Simenon, La Tête d’un homme, Voici le temps des assassins ou les cinq films où il a dirigé Jean Gabin, notamment La Belle Equipe ou Pépé le Moko. 

Mais tout cela change avec la ressortie de plusieurs de ses films dans de sublimes copies restaurées et la projection de La Fin du jour en ouverture du Festival Lumière à Lyon. La Fin du jour, monument de férocité, se déroule dans une maison de retraite pour comédiens nécessiteux. Ignorants que l’établissement est menacé de fermeture, trois comédiens, trois cabots - Louis Jouvet, Victor Francen et Michel Simon - ressassent de vieilles haines recuites et s’affrontent…

 
Dans le même genre vous pouvez trouver VOICI LE TEMPS DES ASSASSINS (Dans les films de Julien Duvivier, l'humanité est veule, cupide, lâche, en deçà de toute rédemption.Voici le temps des assassins est un de ses films les plus noirs, les plus désespérés.) ou encore QUARTET (Dans ce film réalisé par l'acteur Dustin Hoffman, des musiciens et chanteurs s'affrontent dans une maison de retraite.).

Comme Henri-Georges Clouzot, Julien Duvivier est le cinéaste de la cruauté, du mal, du mensonge, de la souffrance. Mais Duvivier n’est pas un entomologiste, même s’il dépeint une humanité veule, en deçà de toute rédemption. Tous ses personnages – comme chez Jean Renoir – ont leurs raisons et il les filme avec compassion. Roi du pessimisme lyrique, Duvivier est également un maître du storytelling. Ses films filent à toute allure et Duvivier fait avancer l’intrigue par l’image. Souvent en mouvement, sa caméra fonce, traque les acteurs, débusque l’émotion, et Duvivier cisèle des scènes d’une incroyable virtuosité technique.

Mais Julien Duvivier n’est pas seulement un artisan doué, un as de la caméra. C’est également un incroyable directeur d’acteurs. Il a donné à Jean Gabin quelques uns de ses meilleurs rôles : le meurtrier en fuite qui s’engage dans la Légion dans La Bandera, le chômeur qui rêve de devenir petit-bourgeois dans La Belle équipe ou le truand en exil dans Pépé Le Moko. Dans La Fin du jour, il s’offre un casting de monstres sacrés : Louis Jouvet, Michel Simon et Victor Francen qui remplace Raimu. Il dirige également dans de petits rôles Gabrielle Dorziat, Madeleine Ozeray ou Sylvie.

J’avais rencontré il y a quelques années déjà Jean-Claude Brialy. Il avait tourné avec les cinéastes de la Nouvelle vague mais aussi avec Duvivier. Il m’a avoué :"Moi, j’ai fait deux films avec Julien Duvivier. On m’avait bien sûr raconté que c’était une terreur. Il avait giflé Marie Bell sur le tournage de Carnet de bal. Sur Le Diable et les 10 commandements, il était - comme d’habitude - perché sur sa chaise d’arbitre de tennis, avec ses lunettes, on aurait dit un bouddha. Il avait toujours à ses côtés une petite gourde. Il avait l’air sévère, mais je le faisais rire, ainsi que de Funès. Il ne riait pas aux éclats, mais doucement, en plissant les yeux. C’était un timide, il était intelligent, tendre, mais il ne manifestait pas ses émotions."

Dans une maison de retraite de vieux acteurs rêvent, jouent dans la vie comme sur scène. Jouer encore, toujours, vite, avant que la faucheuse ne vous rattrape. Jouer jusqu'à la folie, par-delà la mort, celle des maitresses, des camarades, la sienne même. Jouer... Portraits ...

Je me suis toujours demandé ce que devenaient les comédiens à l’âge de la retraite, vous savez, ceux qui ne meurent pas sur scène comme il se doit, est-ce qu’ils sentent à un moment l’instinct ancestral qui les envoie tels des éléphants décatis dans un mystérieux ...

Parfois, un peu bêtement (ou en tout cas par jeu), on se prend à imaginer ce que le film que nous sommes en train de regarder donnerait, interprété par d'autres acteurs, ou mis en scène par un autre réalisateur. Dans ce magnifique film de Julien Duvivier (pléonasme), c'est ...