LA VIE DES AUTRES

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« La Vie des Autres », Oscar du meilleur film en langue étrangère est un concentré de guerre froide où l’intelligentsia artistique tente de se sortir d’un environnement cafardeux et perfide où les services de renseignements surveillent les moindres faits et gestes de ses habitants un peu trop rebelles ou aventureux. Ici, c’est le destin du dramaturge Georg Dreyman que l'on suit. Le destin de l’élégant écrivain qui écrit sur le suicide des artistes en RDA comme il prépare une pièce transgressive. Du moins, il essaie : les micros dessinent discrètement les murs de son appartement aux couleurs pastel. Des décors, d'ailleurs, que l'on voit peu, tant le film se concentre sur l'incroyable jeu de ses acteurs et actrices. Le chic Sesbatien Koch dans le rôle du courageux dramaturge Georg Dreyman. La grande et brillante Christa-Maria Sieland (par Martina Gedeck) pour qui la comédie est un besoin viscéral. Et puis, cet agent HGW XX/7 (par Ulrich Muhe), dont les nuits à espionner ce couple d’artiste lui confère une recherche de sens.  

Mais pour apprécier « La Vie des Autres », il convient d’en accepter sa lenteur et sa justesse. Chaque plan - celui d’un appartement décoré sobrement jusqu’à la salle d'espionnage que l’on n’imagine plus que l'on ne voit - nous fait un peu plus imaginer (avec effroi) l'ambiance de l’époque. Celle d’une peur constante, d'une discrétion imposée. Le suspens est si prenant qu'il vous entraîne dans cette lente et sobre rébellion. Grâce à la réalisation de Florian Henckel von Donnersmarck (habitué des films sur cette époque avec aussi le long-métrage « l'Oeuvre sans auteur »), on devient pendant plus de deux heures témoins d'une époque angoissante.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver CONVERSATION SECRÈTE DE FRANCIS FORD COPPOLA (Si ici c'est la guerre froide qui plane sur Berlin Est, les films d'espionnages - avec tous les moyens possibles pour y arriver - sont légions.) ou encore BARBARA DE CHRISTIAN PETZOLD (Quelle vie en RDA pour quelle vie en RFA ? Après l'espionnage du dramaturge Georg Dreyman dans "La Vie des Autres", c'est l'histoire de Barbara, chirurgien-pédiatre dans un hôpital de Berlin-Est qui est mouvementé après qu'elle soit soupçonnée de vouloir passer à l’Ouest.).

Une question demeure à l’issue de ce film : pourquoi aider ces deux artistes si ce n’est pour autre chose que l’amour de l’art ? En pleine guerre froide, dans une RDA épineuse et indocile, quel intérêt aurait-eu ce capitaine de la Stasi à dire à l’actrice Christa-Maria Sieland combien elle est talentueuse et à cacher cette machine à écrire à l’encre rouge, symbole de sang coulé pendant la guerre ? Ce film est marqué par l'interprétation brillante de Ulrich Muhe (malheureusement décédé peu de temps après la remise de l’Oscar d'un cancer de l’estomac), dans le rôle de cet agent aux grands yeux bleus et perçant. Une interprétation stoïque, impassible, froide et directe - bien loin de l'image de ce capitaine qui laisse plus loin s’échapper une larme à l’écoute d’une belle sonate. 

Le film « La Vie des Autres » est lui-même une sonate aux mouvements alangui et traduit avec perfection le sentiment d’enfermement. Celui qui pousse Christa-Maria Sieland à se faire violer (une scène d'une malheureuse et terrible justesse) et qui doit choisir entre l'amour et le rôle de sa vie ; celui d’être une actrice. Une phrase prononcée résonne d'ailleurs tout au long de ce film : « l’espoir meurt toujours en dernier". Ici, on y croit jusqu'au bout et on s’en trouve bien malheureux. Comment ne pas espérer meilleure vie lorsqu’écrire la vérité entraîne l’envie d'en finir ?

Le divin et merveilleusement bien ficelé « La Vie des Autres » est le témoin d’une époque qu’il ne faut pas oublier… aussi pour éviter qu’elle ne recommence.

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