LA TOURNEUSE DE PAGES

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Avis aux mélomanes : la musique joue un rôle primordial dans ce film centré sur deux pianistes, qui se révèle aussi un passionnant thriller psychologique.

C’est en effet le désir de filmer la vengeance qui a poussé Denis Dercourt à imaginer l’histoire d’une jeune femme confrontée à la pianiste qui a fait basculer sa vie quelques années plus tôt : Mélanie a en effet raté le concours du Conservatoire quand elle avait dix ans, et elle attribue cet échec à l’attitude désinvolte de la présidente du jury, une pianiste renommée. Le jour où elle découvre qu’elle travaille pour le mari de cette femme, elle se débrouille pour devenir l’une de ses intimes …

Si le réalisateur a choisi de situer son histoire de vengeance dans un environnement musical, c’est qu’il est lui-même professeur de musique de chambre au Conservatoire : « je participe très régulièrement à des jurys », expliquait-il au moment de la sortie du film, « et je vois ainsi défiler beaucoup d'enfants qui pourraient ressembler à la Mélanie du début ». 

A la vengeance personnelle s’ajoute un rapport de classes très marqué entre les deux femmes, puisque Mélanie est fille de bouchers tandis que Mme Fouchécourt, pianiste de renom, est mariée au patron d’un grand cabinet d’avocats. 

Le film oppose à l’écran Catherine Frot, que l’on avait jusqu’ici plutôt vue dans un registre comique, à Deborah François, révélée un an plus tôt dans L’Enfant, qui avait permis aux frères Dardenne de recevoir leur deuxième Palme d’Or. Sa prestation dans La Tourneuse de pages lui vaut une nouvelle fois les louanges de la critique, notamment dans les Inrockuptibles, qui évoquent ainsi sa performance : « la présence solaire de Déborah François concentre à elle seule l'équivalent en suspense de dix polars ».

 
Dans le même genre vous pouvez trouver L'ACCOMPAGNATRICE (Drame psychologique, le film de Claude Miller évoque lui aussi les rapports complexes de deux femmes unies autour d'un piano...) ou encore DEMAIN DÈS L'AUBE (Denis Dercourt a demandé à Vincent Perez une préparation aussi exigeante qu'à Catherine Frot et Deborah François. Point commun de ces trois comédiens? Ils devaient interpréter un(e) pianiste respectivement dans Demain dès l'aube et La tourneuse de pages.).

Denis Dercourt avait déjà fait des musiciens les personnages de ses deux précédents films, Les Cachetonneurs et Mes enfants ne sont pas comme les autres. En transformant Catherine Frot et Deborah François en pianistes, il a exigé d’elles une préparation spécifique : « ce que je trouve cinématographiquement riche » explique-t-il en professionnel de la musique, « c'est le travail. Je mets un point d'honneur à ce que mes acteurs interprètent tous leurs morceaux eux-mêmes. Bien sûr, le son est doublé, mais ce sont leurs mains que l'on filme et chacun de leurs gestes est le résultat de très nombreuses heures d'un travail qui se voit à l'écran ».

Au-delà des choix musicaux de son film, qui vont de Chostakovitch à Bach en passant par Schubert, Denis Dercourt a apporté un soin particulier aux couleurs et à la lumière de son film, qu’il a autant travaillées avec son chef opérateur que son décorateur et son costumier. Parmi ses influences directes, il cite plusieurs photographes japonais, mais aussi la peinture monochrome – qui explique notamment la forte présence du bleu dans son film.

En exploitant le thème de la vengeance, Denis Dercourt inscrit son film dans une longue lignée : lui-même cite La vengeance d’un acteur de Kon Ichikawa, mais on évoquera par ailleurs les grands classiques du genre : Furie de Fritz Lang, Le Limier de Mankiewicz, La Mariée était en noir de Truffaut, ou, plus récemment, Impitoyable de Clint Eastwood, le choc coréen Old Boy, signé Park Chan-wook et le diptyque Kill Bill de Quentin Tarantino.

La Tourneuse de pages fut présenté au festival de Cannes en 2006, dans la sélection Un certain regard. Denis Dercourt y est revenu deux ans plus tard pour Demain dès l’aube, qui le voyait renouer avec un personnage de pianiste interprété par Vincent Perez. 

Ce film est un cas intéressant parce qu'il traite du thème de la vengeance sur un ton qui est inhabituel sous nos latitudes. On est ici beaucoup plus proche d'un "Old Boy" par exemple, que du thriller conventionnel. La méticulosité avec laquelle s'opère cette vengeance, d'une ...

Mélanie à dix ans rêve de devenir une pianiste virtuose. Pour en arriver là, ses parents qui tiennent une boucherie d'une petite ville de province ne ménagent pas leur peine,notamment le père qui rêve d'une telle situation pour sa fille. Mélanie doit passer un concours ...

C'est le principe de base du film. D'une humiliation d'enfant à la destruction d'une famille, le réalisateur prend son temps pour dérouler chaque fil de la toile délicate et bien tranchante de l'araignée représentée par Deborah François (dont la blondeur et le visage glacial ...