L'IDIOT !

en VOD

L’Idiot ! (2015) de Yuri Bykov suit un jeune plombier municipal dans un petite ville russe. Le malheureux ouvrier découvre qu’un immeuble insalubre de 800 habitants dans lequel il fait des travaux est sur le point de s’écrouler. Il lui faut essayer de prévenir les locataires que la catastrophe est imminente, ce qui n’est pas une mince affaire. Il doit alors se livrer à une terrible course contre la montre pour évacuer des innocents alors qu’il se heurte à la corruption et à l’indifférence des autorités.

Né en 1981, Yuri Bykov avait été remarqué en 2013 par la Semaine de la Critique de Cannes pour The Major où il évoquait la police russe puis au Festival de Beaune en 2019 avec Factory sur la prise d’otage d’un patron d’usine par ses employés. Avant ces deux films, ce cinéaste, qui a aussi travaillé pour la télévision, avait signé un premier long métrage, le film policier, Vivre (2010) où il conte le périple de deux hommes que tout oppose et qui fuient des criminels.

Pour le réalisateur, l’idiot qui donne son titre au film, est un être altruiste comme il n’en existe plus beaucoup en Russie. Cet homme ordinaire n’hésite pas à agir au détriment de son intérêt personnel. Les gens comme lui sont pris pour des idiots, des romantiques ou des idéalistes par des personnes que leur cynisme et leur manque de courage protègent de ce genre d’agissements.

 
Dans le même genre vous pouvez trouver 99 HOMES (Parce que ce film consacré à la crise immobilière américaine pose une question morale : peut-on rester honnête dans une société impitoyable et injuste ?) ou encore LÉO LE DERNIER (Un homme riche s'engage pour aider les habitants d'un quartier pauvre. Une étonnante fable politique où Marcello Mastroianni brille devant la caméra de John Boorman.).

L’Idiot ! n’est pas seulement l’histoire d’un plombier courageux. Ce qui intéressait le réalisateur était de montrer comment l’entourage du héros peine à accepter ses décisions et comment il en vient à se faire détester pour ses actions désintéressées qui renvoient les autres à leurs insuffisances. Yuri Bykov a souhaité montrer comment réagissent des gens qui doivent choisir entre leur conscience et leur instinct de conservation. Il prenait un grand plaisir à se glisser dans les salles de cinéma pour étudier les réactions de spectateurs. Il s’est étonné de voir que les plus âgés se mettaient en colère sans doute parce qu’ils se reconnaissaient dans les personnages du film et qu’ils avaient dû être confrontés à des décisions similaires. 

Yuri Bykov a lui aussi dû se livrer à des choix douloureux concernant sa carrière. Le ministère de la Culture lui a coupé toutes subventions au motif que ces films donnent une mauvaise image de la Russie. Il a décidé de continuer à réaliser ce qu’il souhaite plutôt que de céder à la pression financière. L’Idiot ! a été très apprécié à l’étranger particulièrement dans les festivals de Locarno et des Arcs où il a été récompensé. L’Idiot ! est dédié au réalisateur Aleksei Balabanov dont Yuri Bykov admire particulièrement l’indépendance.

Le réalisateur a longtemps hésité sur la fin de son film avant de conclure par un dénouement tragique. Il estime que le film correspond à la Russie du milieu des années 2010 mais que ce type de tragédies pourrait avoir lieu dans n’importe quelle partie du monde où on peut trouver une grande disparité entre les riches et les pauvres. Le réalisateur souhaite aborder ces sujets d’une façon très concrète qui correspond au fait qu’il a grandi en Province dans un milieu modeste. Bien que le ministère de la Culture russe interdise les jurons dans les films, il a tenu à en mettre quand même car il lui semblait peu réaliste qu’un plombier ne jure pas. ll reconnait faire des films pour la classe ouvrière tout en étant conscient que ce type de spectateurs n’ira pas probablement pas les voir.

Le film allégorique dénonçant la pourriture du système (les institutions comme leurs représentants) semble être un genre à part entière dans la cinéma russe contemporain : difficile de ne pas penser à Andreï Zviaguintsev et son Léviathan, sorti la même année, même ...

(Attention, quelques spoils) Un pays : la Russie. Un monde : le nôtre. Une population : des porcs. Une situation : un effondrement systémique imminent. Une métaphore : une lézarde fatale dans un trop vieil immeuble mal fichu et jamais rénové. Et un Juste. On le reconnaît ...

Avec Le major sorte de polar défaitiste, Youri Kykov filmait déjà la fuite en avant d'un homme qui aura pris une mauvaise décision et de l'engrenage dans lequel il plongera, pour nous interroger sur nos propres décisions et nos responsabilités, face à un drame. Il pointait ...