BRELAN D'AS (VERSION RESTAURÉE)

en VOD

Le cinéma en France ne s’est jamais si bien porté qu’entre l’après-guerre et la Nouvelle Vague, soit entre 1945 et 1958, avec des pics de fréquentation à plus de 400 millions d’entrées (en 1947 et 1957). Brelan d’as, sorti en 1952, est représentatif de ce cinéma populaire français, véritable déclaration d’amour, à la fois au cinéma de genre et aux héros des romans dits « de gare », extrêmement populaire à l’époque, comme en témoigne le prologue.

Afin de présenter les trois « as » enquêteurs du film, issus d’auteurs différents (les belge Stanislas-André Steeman et Georges Simenon ainsi que le britannique Peter Cheyney), Henri Verneuil choisit la forme du « film à sketches ». Constitué de plusieurs segments articulés autour d’un thème ou d’une idée commune, le film à sketches était très populaire dans les années 60 et les exemples fameux abondent, que ce soit du côté de la comédie (Les monstres, Boccace 70) ou de l’horreur (Les trois visages de la peur). Tombant un peu en désuétude par la suite, il n’est pas tout à fait mort puisque régulièrement, des réalisateurs se frottent à cette forme particulière ; c’est le cas de Quentin Tarantino avec Groom Service (et, d’une certaine façon, Pulp Fiction) ou Jim Jarmusch avec Coffee and Cigarettes. 

Et c’est bien un film à sketches qui permettra à Henri Verneuil de connaître son premier grand succès commercial, nominé à l’Oscar du meilleur scénario : Le Mouton à cinq pattes, où Fernandel joue cinq rôles !

 
Dans le même genre vous pouvez trouver MAIGRET TEND UN PIÈGE (On y retrouve Maigret, le personnage de Simenon, incarné pour la première fois par Jean Gabin.) ou encore ROUBAIX, UNE LUMIÈRE (Desplechin filme Roschdy Zem dans le rôle de Daoud, un policier confronté au meurtre d'une vieille dame. Outre l'enquête, le film dépeint surtout l'ambiance d'une ville.).

Avant Des gens sans importance (avec Jean Gabin, en 1956) ou La vache et le prisonnier (avec Fernandel en 1959), Henri Verneuil fait tourner un autre « monstre sacré », Michel Simon, à qui il confie le rôle du Commissaire Maigret.  Son créateur, Georges Simenon a toujours estimé que ce Maigret aussi humain qu’impressionnant physiquement était la meilleure incarnation de son personnage fétiche. 

Les femmes n’ont pas vraiment le beau rôle dans ces trois sketches où les enquêteurs rivalisent d’ingéniosité pour résoudre l’énigme qui leur est posée. Leur rôle de « garce » cristallise les angoisses de l’après-guerre, et pour citer les auteurs de La drôle de guerre des sexes du cinéma français (Geneviève Sellier et Noël Burch), « la « fatalité » s’incarne non plus sous les traits repérables d’un vieux bourgeois vicieux, mais sous l’apparence trompeuse d’une belle jeune femme », ici, l’imitatrice Florence Garnier qui a organisé le meurtre avec son amant dans La mort dans l’ascenseur, ou la chanteuse Michèle Leroy qui tente de séduire Lemmy Caution dans Je suis un tendre. 

Ni séduction ni roublardise du côté de Mme Maigret dans Les témoignages d’un enfant de chœur, aux petits soins pour son commissaire de mari, tout content de profiter d’un maternage bien tardif. La dernière phrase de Maigret, qui finit de le lier à l’enfant en témoigne : « Demain, parce que j’ai la grippe, Mme Maigret me fera une crème au caramel ». Claire Olivier, l’actrice qui interprète « Mme », termine d’ailleurs sa carrière dans un rôle de mère bref mais crucial dans le très moderne La fiancée du pirate, de Nelly Kaplan.